Comprendre le lien entre jeûne et microbiote intestinal
Votre santé dépend aussi de la qualité de votre microbiote intestinal, le saviez-vous ? Pour en prendre soin, une hygiène de vie saine est la clé, et en premier lieu les bons réflexes alimentaires. La technique du jeûne constitue également un formidable outil. En restreignant votre nourriture, non seulement vous faites du bien à votre santé, mais votre système digestif, et sa flore intestinale, en profitent largement en se régénérant en profondeur. Éclairages dans cet article sur le lien entre jeûne et microbiote, à partir des études disponibles.
Le microbiote intestinal : un allié pour la santé digestive
Le microbiote est constitué d’un ensemble de micro-organismes (bactéries, champignons, parasites…) présents dans tous les organes et principalement au sein du tube digestif. On parle alors de microbiote intestinal, ou de flore intestinale : il est composé de plusieurs milliers d’espèces qui tapissent les muqueuses et assurent un rôle de protection. C’est en cela qu’il est essentiel de le préserver, au risque sinon de créer des déséquilibres et de développer potentiellement des troubles plus ou moins graves. À ce propos, des chercheurs ont mis en évidence le lien entre l’altération du microbiote intestinal et le déclenchement de certaines maladies (diabète, obésité, maladies neurologiques…).
Un microbiote sain bloque la colonisation par des micro-organismes pathogènes ; mais cet équilibre peut être menacé en cas de perturbation, donnant naissance à une dysbiose.
Pour fonctionner, le microbiote a besoin d’être approvisionné et il puise ses ressources dans les nutriments qui passent dans l’intestin avant de rejoindre les cellules ; la santé de la flore est donc intimement liée à la qualité de l’alimentation. Pour la protéger, les sources favorisant le développement des bactéries pathogènes sont à éviter ou à réduire, en particulier les graisses saturées, les viandes, les sucres avec un indice glycémique (IG) élevé. À l’inverse, ceux qui la renforcent se trouvent dans les légumes, les fibres et les sucres avec un IG bas. Mais comment réagit la flore lorsqu’elle n’est plus nourrie ? Que nous révèle la relation entre jeûne et microbiote ?
Le mécanisme d’action du jeûne
En l’absence de nourriture, le système digestif fait une véritable pause. N’étant plus accaparé par ses missions principales, il est d’autant plus disponible pour se détoxifier en profondeur et se réparer. À l’issue d’une telle expérience, il retrouve une vitalité qui peut durer pendant plusieurs mois si la personne entretient une hygiène nutritionnelle saine. Il n’est pas rare de rencontrer lors d’un stage de jeûne des personnes qui souffrent de problèmes digestifs chroniques. Elles en ressortent fortes d’une nouvelle énergie et ressentent rapidement une amélioration de leur digestion. Le processus à l’œuvre face à l’absence de nutriments s’appelle l’autolyse, au cours de laquelle les cellules se régénèrent de l’intérieur et se délestent des toxines accumulées.
Le microbiote est indispensable à notre fonctionnement, il est donc toujours présent tout au long du jeûne. Mais il se retrouve dans de meilleures conditions pour se rééquilibrer grâce à la chasse des germes pathogènes qui en plus n’ont plus de quoi se nourrir pour proliférer. En dépit du défaut d’aliments extérieurs, les souches saines s’adaptent grâce à une homéostasie microbienne naturelle. Plus l’abstinence est longue, plus les effets sont positifs sur les cellules intestinales (ou entérocytes). Jeûne et microbiote forment donc une alliance efficace, conduisant à une normalisation de la flore et une réduction des phénomènes
L’enseignement des études sur la relation entre jeûne et microbiote
L’exemple d’un jeûne Buchinger de 10 jours
L’étude pilotée par le chercheur R. Mesnage [1] en 2019, en collaboration avec la Clinique Buchinger en Allemagne, a examiné le lien entre jeûne et microbiote suite à un régime Buchinger de 10 jours. 15 hommes en bonne santé ont été inclus.
Elle a mis en évidence une modification réversible de la nature des bactéries intestinales, se traduisant par une diminution des familles des germes pathogènes (lachnospiraceae et ruminococcaceae) et inversement une augmentation des bonnes souches telles que les protobactéries et bactéroïdètes. Ce rééquilibrage témoigne de l’action positive du jeûne long sur le bien-être de la flore, qui perdure d’ailleurs trois mois après le séjour.
De plus, lors de la reprise alimentaire, l’étude a relevé un accroissement dans le sang des protéines immunodulatrices (cytokines IL-6, IL-10, TNF-α, IFN-γ), qui suppose une réactivation de la réponse immunitaire après les repas.
En conclusion, l’adaptation physiologique du corps face au jeûne se traduit également dans le changement du microbiote intestinal, avec des effets bénéfiques sur la santé.
L’impact du jeûne intermittent ou fasting
Comme autre effet du jeûne sur le microbiote, l’exemple du jeûne intermittent, qui consiste à ne pas se nourrir pendant 16 heures, a été étudié, prouvant une plus grande richesse du microbiote lorsqu’il est pratiqué régulièrement. Même pour une courte durée, l’intestin est placé en situation de se renouveler et d’enrichir sa flore.
Une étude chinoise a porté sur 30 hommes sains, de moins de 30 ans, séparés en deux groupes. 15 ont suivi un jeûne intermittent et les autres témoins ont mangé normalement. Les selles ont été analysées après 25 jours de fasting afin d’examiner les souches intestinales. Les conclusions sont les suivantes au sein du groupe de jeûneurs :
- un plus grand nombre de bactéries Prevotella_9, qui sont intéressantes, car elles participent à la formation d’acides gras à chaîne courte, comme le butyrate, qui sont anti-inflammatoires ;
- une moindre proportion de firmicutes, qui sont plus abondantes chez les personnes obèses ;
- une présence réduite d’actinobactéries, qui sont plus présentes en cas d’obésité.
Bien que le jeûne suscite un intérêt grandissant, les études scientifiques et à grande échelle sont peu répandues. Comme cet article le montre, le lien entre jeûne et microbiote a été étudié, mais par le biais de cohortes de petite taille. Les publications ne bénéficient donc pas d’une grande légitimité auprès de la communauté scientifique, ce qui leur vaut une faible portée. En revanche, réjouissons-nous que les conclusions des études disponibles convergent dans le même sens, et soient confortées par les témoignages positifs des jeûneurs, quant à l’amélioration sensible de leur santé digestive.
Vous souhaitez en savoir plus sur les effets du jeûne sur la santé ? Parcourez les articles de notre blog.
[1] Mesnage, R., Grundler, F., Schwiertz, A., Le Maho, Y., & Wilhelmi de Toledo, F. (2019). Changes in human gut microbiota composition are linked to the energy metabolic switch during 10 d of Buchinger fasting. Journal of Nutritional Science, 8, E36. doi:10.1017/jns.2019.33